Dans l’émission CQFD (RTS) du 3 juillet 2018, Stéphane Délétroz présente un outil pour parfaire l’enseignement destiné aux professionnels ou futurs professionnels de la santé, « un outil de plus dans la besace de l’enseignant » : la réalité virtuelle. Retour sur les exemples concrets délivrés.
La réalité virtuelle pour l’entraînement des techniques de soins
Les soins infirmiers font depuis peu l’objet d’une nouvelle formation « en immersion », offerte par l’école La Source à Lausanne. « C’est une démarche très pragmatique, nous ne voulions pas un gadget », explique la vice-doyenne de l’innovation à la Haute Ecole de santé, Dominique Truchot-Cardot. « Il est apparu que les étudiants demandaient des outils qui leur permettraient de s’entraîner en tout lieu, en tout temps et de manière très fréquente. » Des recherches à propos de la réalité virtuelle ont donc été entreprises. En plus de sa facilité d’utilisation, il a été observé que la réalité virtuelle représentait « un outil de formation très puissant, qui, par la répétition, par le débriefing qu’il propose, permet d’acquérir très rapidement une logique d’esprit », précise Mme Truchot-Cardot.
Jusqu’ici, l’établissement lausannois dispose d’un unique scénario autour de la transfusion sanguine, une technique de soins sujette à de nombreuses erreurs car sa pratique reste plutôt rare. Dans le futur, l’objectif de l’école La Source est de développer une bibliothèque de scénarios de pratiques de soins. Maintenant que l’environnement virtuel est en place (salle d’examen, chambres, et autres installations présentes dans un hôpital « classique »), il est possible d’envisager la création d’un « tome 2 », qui traitera vraisemblablement de l’évaluation clinique de l’adulte et un « tome 3 » concernant l’évaluation clinique pédiatrique. L’école de santé compte s’associer à d’autres institutions d’enseignement afin de remplir au mieux ce recueil de scénarios de réalité virtuelle.
La réalité virtuelle pour contrer le stress et les tabous
Du côté de la réanimation cardio-pulmonaire, c’est Vincent Lemaire, ambulancier et formateur d’adultes, qui a imaginé une formation autour de la technologie immersive. Selon lui, cette technique permet de se rapprocher au maximum de la réalité du terrain. Une réalité qui peut être extrêmement stressante pour tout individu se trouvant face à un cas d’arrêt cardiaque. « Il y a une notion de gestion du stress qui est probablement le premier élément sur lequel les gens auront des appréhensions pour se lancer dans la réanimation », explique Vincent Lemaire. Il y a également un intérêt à sensibiliser le public à la problématique cardio-pulmonaire. En effet, les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 70% des arrêts cardio-pulmonaires se déroulant devant témoins ne voient personne intervenir. Il s’agit donc de rendre abordable une problématique très sensible et qui pourtant est à la portée de tout le monde. La réalité virtuelle permet également de faire passer beaucoup plus facilement les messages clés. Dans l’exemple de l’initiation à la réanimation cardio-vasculaire, trois messages essentiels doivent passer : démarrer rapidement un massage cardiaque, alerter les secours au plus vite et effectuer une défibrillation précoce. Un autre avantage du scénario en réalité virtuelle : faire taire les tabous quant aux chocs électriques soumis avec un défibrillateur.
Virtuel, mais toujours plus proche de la réalité
Lors de la 4ème édition de l’Arkathon Hacking Health Valais organisé par Swiss Digital Health et la Fondation The Ark, trois étudiants de la HES-SO Valais/Wallis à Sierre ont imaginé et développé, en collaboration avec une équipe du GRIMM, un projet de formation en réalité virtuelle pour les sauveteurs en montagne. Le scénario développé jusqu’ici emmène la personne immergée sur un sentier de montagne où se trouve une personne inanimée. « Dans la vie de tous les jours, avec la pression, il faut intervenir vite auprès du patient et les changements climatiques peuvent survenir très rapidement donc il faut agir dans « le rush », explique Jeff Zufferey, l’un des développeurs de ce projet. On peut également imaginer qu’un secouriste perde du matériel, ou encore qu’il soit lui-même en danger selon l’environnement dans lequel il se trouve. Virtual Reality Learning inclut toutes ces alternatives, faisant de l’expérience virtuelle un entraînement en conditions plus proches que jamais du réel.
Les étudiants de la HES-SO Valais/Wallis, tous les trois en phase de débuter un cursus de master, assureront la suite de ce projet très prometteur, en parallèle à leurs cours. « Nous nous retrouverons dans deux ans pour développer une start-up. En attendant, nous restons en contact avec le GRIMM pour continuer à améliorer le projet et avoir un projet pilote d’entrée de jeu lorsqu’il s’agira de démarrer la start-up », précise Jeff. Un de leurs buts sera bien sûr de continuer à inclure toutes sortes d’événements inattendus à leur scénario (avalanche, tempête, etc.) et de les mettre à disposition du formateur, qui forcera donc l’apprenant à prendre des décisions graves très rapidement, comme ce sera le cas sur le terrain plus tard.
Dans l’attente d’une 4ème dimension
Les trois « experts » en réalité virtuelle appliquée au domaine de la santé se réjouissent d’être témoins de nouvelles avancées technologiques ayant le potentiel de compléter leurs scénarios respectifs. Vincent Lemaire est le premier à citer les retours haptiques. « Il existe des gants avec des capteurs tactiles mais pour le moment ils ne sont pas encore au point. J’ai bon espoir que dans le courant 2018 on puisse proposer un retour haptique tactile aux gens de manière à ce qu’ils comprennent mieux quelle pression ils doivent mettre sur la personne en arrêt. » Cette technologie sera également très intéressante pour compléter l’expérience proposée par le projet Virtual Reality Learning. « Les gants nous permettrons de pouvoir palper le corps, de pouvoir sentir de petits stimulis au niveau des mains. Il y a aussi des costumes qui sont en cours de création et qui permettent de changer la température de 10 à 15 degrés, donc pour simuler des environnements chauds et froids ce sera l’idéal. La technologie avance très vite et il faut qu’on la suive », lance Jeff Zufferey. Quant à la formation en soins infirmiers, la possibilité d’inclure l’inter-professionnalité à l’immersion en réalité virtuelle sera un grand pas. « Un étudiant se trouverait à l’école La Source, un enseignant dans un autre établissement ainsi qu’un autre formateur encore ailleurs et les avatars permettront de se retrouver tous autour du e-patient », imagine Dominique Truchot-Cardot.
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