En février dernier, à l’occasion du voyage d’études HIMSS 2019, aux Etats-Unis que nous avons organisé conjointement avec SwissEnoV, nous avons passé 8 jours riches en rencontres et en découvertes autour de l’innovation en santé. Comment être un établissement hospitalier à la pointe dans l’utilisation de solutions d’intelligence artificielle transversales ? Quelle est la stratégie à implémenter pour augmenter la performance et la qualité des soins ? Décortiquons ensemble ces différents points.
Au sein d’un établissement hospitalier, on distingue plusieurs sources de données différentes. Tout d’abord, les données dites médico-administratives. Utilisées principalement dans le cadre de la facturation, elles se distinguent par leur côté très structuré et homogène. Ensuite, les données produites lors des soins : ces dernières dépendent fortement des processus métiers et sont hétérogènes. Puis, les données de recherche, elles sont généralement difficiles d’accès et cloisonnées. In fine, il y a les patients eux-mêmes, qui sont une source de donnée à part entière.
Le déploiement généralisé du dossier-patient permet la mise en place du dépôt et de l’alimentation systématique et centralisé en données. L’intelligence artificielle (IA) ne devrait être donc que l’étape suivante logique, permettant la mise à disposition et le partage des données. Qu’en est-il vraiment ?
La gouvernance des données, un pré-requis pour le développement de l’IA
Extraits issus des interventions de Christine Pichon-Abarnou, directrice des systèmes d’information (DSI) au CHU de Rennes (France) et de Pierre-François Regamey, directeur des systèmes d’information (DSI) au CHUV à Lausanne, au cours de notre voyage.
La captation des données tout au long du parcours patient (avant, pendant et après son séjour hospitalier) dépend fortement de la qualité des flux logistiques de chaque établissement de santé et de l’interaction entre ces systèmes. La standardisation et l’interopérabilité de ces derniers permettraient de décloisonner les données. Christine Pichon-Abarnou explique que : “Tout établissement hospitalier peut bénéficier de participer à la gouvernance des données. Premièrement, par l’établissement de référentiels communs pour faciliter la compréhension générale des données à disposition. Secondo, en sécurisant les données, l’objectif étant d’accroître la confiance des collaborateurs et collaboratrices dans cette source d’information “.
L’intégration de l’IA dans les processus métiers et dans l’écosystème hospitalier doit être facilitée par des interfaçages personnalisés. Christine Pichon-Abarnou suggère ainsi de bannir les bases de données propriétaires, une solution propre est un impératif de départ. Elle soutient aussi l’importance d’un label-caution, gage de confiance dans les données traitées. Par exemple, au CHU de Rennes, la certification (ISO 27001) a permis d’établir un label qualité de la direction des systèmes d’information (DSI) et par conséquent des données qu’elle gère.
Une étroite collaboration entre tous les acteurs (informatique, biomédicale, médicale, soin,etc.) est également nécessaire pour accompagner la transformation des métiers et la mise au point des systèmes d’IA. La DSI est donc contributeur, en tant que fournisseur de données, mais aussi régulièrement prescripteur dans le cadre de l’élaboration de projets transverses. Au CHUV, le Comité du Système d’information du CHUV (COSI) a été mis en place en 2016 pour autoriser et de prioriser le lancement des projets stratégiques de la DSI.
“Quel que soit le modèle choisi, internalisation ou externalisation, stocker et exploiter des données coûte !” rappellent les deux experts.
L’intégration de l’AI, une transition technologique à anticiper
tiré du rapport McKinsey (2018)
“Notre analyse suggère que, face aux menaces concurrentielles accentuées par l’implémentation l’intelligence artificielle (IA), les entreprises ont deux fois plus de chances d’adopter l’IA que d’adopter d’autres nouvelles technologies”, écrivent Jacques Bughin, directeur de McKinsey Global Institut et Nicolas van Zeebroec, professeur au Solvay Brussels School of Economics and Management, dans le rapport du cabinet d’analyses McKinsey.
Cependant, l’adoption aléatoire et/ou sans une compréhension préalable adéquate du fonctionnement et de la collaboration des technologies entre elles, comporte des risques : “Prendre le temps de poser des fondations est essentiel à la construction d’un bâtiment solide. Couler le béton trop rapidement et sans réfléchir pourrait saper tout effort.” explique Jacques Bughin. En effet, même si les établissements hospitaliers s’empressent d’investir dans des outils d’IA, “une infrastructure de base numérique fait toujours défaut” dans de nombreuses organisations, notent les chercheurs.
Ils estiment que seule un organisme sur trois a mis en place intégralement les technologies numériques “sous-jacentes” (ndlr : permettant la récolte, le stockage, la structuration et/ou l’analyse adéquate des données). Les lacunes principales concernent des outils plus récents, tels que le big data, l’analyse et le cloud. Cette base faible implique, selon les estimations des chercheurs, que l’AI est hors de portée pour plus d’1/5 des organismes étudiées ! ”
NEXT >>> Lors d’un prochain article, nous parlerons des différentes applications liées à l’intelligence artificielle dans la santé. Un focus mettra l’accent sur le cadre réglementaire établit à l’international et en Suisse dans ce domaine. A suivre !